Des définitions claires pour une discussion énergisante

Dans le débat entourant le projet de loi à venir sur Hydro-Québec, beaucoup d’opinions circulent. Malheureusement, on y mélange plusieurs concepts, ce qui embrouille la discussion. Voici donc quelques définitions pour éclairer les lecteurs.

  • Monopole : Le transport et la distribution d’électricité sont des monopoles naturels. Ça veut dire qu’il y a «?naturellement?» un seul fournisseur qui émerge dans chaque endroit (ou corridor pour le transport). Imaginez si plusieurs fournisseurs voulaient avoir des poteaux le long de nos rues?! Ça ne se fait pas. Cependant, il y a déjà au Québec 11 distributeurs d’électricité avec un monopole : Hydro-Québec, 9 villes et une coopérative. Hydro-Québec n’est donc pas le seul distributeur. Pour le transport, certaines entreprises ont des lignes, comme Rio Tinto, et certaines lignes ont été construites en partenariat, comme avec les Mohawks vers les États-Unis. Encore ici, Hydro-Québec n’est pas seule.
  • Monopole (bis) : La production d’électricité et la vente au détail de l’électricité ne sont pas des monopoles naturels. Dans plusieurs régions, comme dans l’Union européenne, plusieurs producteurs se concurrencent pour faire de l’électricité vendue sur un marché ouvert. Les détaillants d’électricité achètent et revendent cette énergie aux consommateurs, selon divers plans, un peu comme on le voit dans l’industrie des télécommunications. L’électricité est livrée des producteurs aux consommateurs en utilisant le monopole naturel des entreprises de transport et de distribution. Cette structure à 4 étapes (production-transport-distribution-détail) est commune, et la structure largement intégrée verticalement du Québec est plus l’exception que la règle. Cependant, il y a aussi au Québec plusieurs autres producteurs : en éolien (Boralex, Kruger, Innergex, Énergir, etc.), avec de petites centrales hydroélectriques, certaines entreprises (comme Rio Tinto), et même certaines municipalités (comme Sherbrooke).
  • Réglementation des prix : Qui dit monopole dit réglementation des prix. Les prix de transport et de distribution sont toujours réglementés pour assurer un rendement correct sans être indus, forçant des investissements prudents?; parfois, les incitatifs à la performance (fiabilité, coûts) sont imposés, comme en Grande-Bretagne ou en Alberta. Là où la production et le détail sont concurrentiels, la réglementation peut être légère, essentiellement pour s’assurer que les prix et les conditions de services sont équitables, et pour s’assurer que la concurrence fonctionne pour le bien des consommateurs. Aussi, notons que les prix doivent être réglementés même pour un monopole d’État. Au Québec, la Régie de l’énergie est responsable de la réglementation du transport, de la distribution et de la vente au détail de l’électricité.
  • Nationalisation (ou privatisation) : La nationalisation est le transfert à l’état de la propriété d’entreprises privées. La nationalisation de la production et de la livraison de l’électricité au Québec, héritage de la Révolution tranquille, n’est pas sérieusement remise en question : personne ne voudra vendre Hydro-Québec au privé, à l’exemple d’Hydro One en Ontario il y a quelques années. La nationalisation des entreprises privées d’électricité, d’abord en 1944 puis en 1963, a permis, entre autres, d’accélérer l’électrification (aidant à la balance commerciale), de développer le secteur industriel secondaire (équipement électrique et aluminium), et de développer le secteur tertiaire (génie-conseil et informatique). Cependant, la nationalisation ne veut pas dire que le privé n’a aucun rôle à jouer ni qu’Hydro-Québec est le seul producteur, transporteur, ou distributeur. 

Au-delà des mots, l’important est de fixer les bons objectifs et d’utiliser les leviers à notre disposition pour les atteindre, en comprenant bien les avantages et les inconvénients de chaque modèle.