Monthly Archives: December 2023

La transition énergétique : un manège cahoteux en 2024 et au-delà

Lorsque les analystes vous montrent des prévisions de la transition énergétique, telles que les pourcentages d’énergie renouvelable, les ventes de véhicules électriques ou le pic de production de pétrole, avez-vous remarqué comme les années à venir sont une courbe lisse tandis que les années passées sont un zigzag?? Pensez-vous vraiment que cela se produira??

Une transition industrielle n’est jamais sans heurts. C’est comme rouler sur des montagnes russes branlantes dans l’obscurité avec des chutes qui lèvent le cœur, des virages serrés, des boucles inattendues et des impasses soudaines.

Ce manège cahoteux nous attend en 2024 et au-delà alors que nous continuons la transition vers l’abandon des combustibles fossiles.

Pour comprendre où nous allons, je suis très attentif à l’évolution du marché pétrolier, car il constitue le fondement de notre système énergétique. À l’heure actuelle, la production mondiale de pétrole brut (et d’autres liquides) est d’environ 102 millions de barils par jour (mb/j), après avoir diminué à 91 mb/j pendant la pandémie. Les carburants routiers sont de loin la plus grande utilisation de pétrole raffiné. Les ventes mondiales de véhicules de tourisme et de camions à combustion ont déjà atteint un sommet, mais il y a encore plus de véhicules qui entrent dans le parc que de véhicules mis au rebut. Par conséquent, la demande mondiale de pétrole devrait augmenter encore d’environ 2 mb/j en 2024. Cependant, la Chine a annoncé que 2023 marque le pic de la demande d’essence en Chine, avec une part de nouveaux véhicules branchables en Chine approchant maintenant les 40%. On peut penser que le parc mondial de véhicules à combustion commencera bientôt à diminuer, ce qui explique le scénario «?politiques annoncées?» de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui suppose un pic de la demande de pétrole avant 2030. Il devient clair qu’au fil du temps, les véhicules électriques étoufferont progressivement la demande de pétrole. Ensuite, le trajet deviendra vraiment cahoteux.

De nombreux producteurs (pays) pétroliers disent qu’ils continueront à produire tout au long de la transition et au-delà. Ils ne peuvent pas tous être corrects. Historiquement, les pays du cartel de l’OPEP (et de l’OPEP+, créée en réponse à la chute des prix du pétrole entraînée par la production de pétrole de schiste aux États-Unis) ont agi comme des producteurs d’équilibre, réduisant leur production pour maintenir les prix. Mais l’OPEP est maintenant confrontée à une crise. L’Angola est le dernier pays à quitter l’OPEP. Le cartel ne représente plus que 27 millions de barils par jour. De plus, certains producteurs non membres de l’OPEP augmentent leur production, comme le Canada, qui s’attend à produire 5,3 millions de barils par jour d’ici la fin de l’année 2024, contre 4,8 mb/j en 2023. Les États-Unis sont en voie d’atteindre un nouveau record de 13,1 millions de barils par jour en 2024 (ou peut-être jusqu’à 13,35), contre 12,9 millions de barils par jour en 2023.

Comment cela sera-t-il résolu?? Personne ne le sait avec certitude. L’Arabie saoudite est actuellement le producteur pétrolier dont les coûts sont les moindres. Ils peuvent choisir de limiter leur production pour maintenir des prix élevés pendant quelques années de plus, en supposant que les autres pays de l’OPEP et de l’OPEP+ emboîtent le pas. Ou ils peuvent choisir de baisser les prix dans l’espoir que les producteurs américains de pétrole de schiste cesseront de forer de nouveaux puits et réduiront la production. Ou les Saoudiens peuvent décider d’abandonner la Russie, la Russie devenant alors encore plus dépendante de la Chine, avec des implications géopolitiques inconnues. Ou de nouvelles guerres dans les Balkans ou à Taïwan perturberont les chaînes d’approvisionnement mondiales. Ou tout cela, et plus encore, au fil du temps.

En plus des cahots causés par les dangers pétroliers et gaziers, nous pouvons également nous attendre à d’autres cahots dans la chaîne d’approvisionnement de l’énergie propre. Les technologies propres évoluent rapidement, et certains des chouchous d’aujourd’hui échoueront, pour être remplacés par quelque chose de mieux que personne ne sait encore. Certaines nouvelles technologies devront passer par un long processus de maturation avant de réussir, comme nous l’avons vu avec les problèmes initiaux des grandes éoliennes maritimes. Certaines technologies propres prometteuses ne parviendront pas à passer du MW au GW, ce qui les limitera à des applications de niche. De nouveaux produits seront tout simplement mauvais, comme certains des premiers modèles de VE des constructeurs automobiles traditionnels. L’activisme «?pas dans ma cour?» peut retarder la mise en œuvre des projets d’énergie propre ou même conduire à leur annulation. Les chaînes d’approvisionnement des technologies propres sont déjà serrées, les délais d’approvisionnement des transformateurs électriques s’étendant, par exemple, sur des années. Le risque d’une perturbation de l’approvisionnement en minéraux, comme celui du cuivre, est bien réel. Les facteurs géopolitiques augmentent encore l’incertitude, avec une grande partie de la fabrication de batteries, de panneaux solaires et d’éoliennes maintenant concentrée en Chine, ainsi que le traitement des minéraux, y compris pour les terres rares.

J’espère que vous que vous avez encore le cœur bien accroché malgré ces bosses de montagnes russes, parce que la transition en apportera plus encore. Une transition réussie de l’abandon des combustibles fossiles signifiera des gagnants, mais il y aura aussi des perdants : les travailleurs du pétrole dans les pays développés pourraient perdre leur emploi, tandis que les pays en développement dépendants du pétrole pourraient faire face à des déficits budgétaires et à d’éventuels troubles civils, avec des conséquences humanitaires et géopolitiques inconnues. Certains pays en développement pourraient ne pas être en mesure d’obtenir de l’électricité fiable à partir de sources renouvelables en raison de problèmes de chaîne d’approvisionnement. Cependant, il y a une lueur d’espoir ici : la nature distribuée et locale de ces technologies offre l’espoir de réduire la pauvreté énergétique vécue par 1 milliard de personnes qui n’ont pas les moyens d’utiliser des combustibles fossiles.

Donc, nous ne savons pas quelles seront les prochaines bosses, mais à quoi pouvons-nous nous préparer??

Dans l’ensemble, la transition énergétique devrait nuire aux résultats des sociétés pétrolières et gazières, que ce soit en raison de la réduction des volumes ou de la baisse des prix. Ces sociétés paient également une prime de risque plus élevée en raison de la volatilité et de l’incertitude. Les activités pétrolières et gazières en amont, y compris l’exploration et l’extraction, sont devenues de plus en plus risquées et moins rentables. En revanche, les activités du secteur intermédiaire comme le transport, l’entreposage et la vente en gros devraient être moins touchées à court terme. De plus, certains pensent qu’il n’y aura pas de pic dans la production mondiale de pétrole avant 2030 : l’OPEP s’attend à ce que la demande de pétrole continue de croître jusqu’en 2050. Il n’y a pas de consensus ou de certitude concernant cette transition. Néanmoins, si vous travaillez dans le secteur pétrolier et gazier en amont, cherchez des occasions d’appliquer vos compétences en matière d’énergie propre — l’énergie géothermique et l’énergie éolienne maritime viennent à l’esprit. Si vous travaillez en aval, les opportunités peuvent inclure la production d’hydrogène vert (pour remplacer le gris) et les réseaux de recharge de VE (mais attendez-vous à ce que ce soit différent des stations-service).

Bien que les faibles prix du pétrole puissent retarder la transition vers l’énergie propre, ils réduiraient les investissements dans le pétrole et le gaz et libéreraient donc des capitaux pour les investissements dans les technologies propres. De plus, les perturbations de l’approvisionnement en pétrole et en gaz peuvent entraîner des hausses de prix. Ces événements ont également tendance à accroître les investissements dans les technologies propres, comme nous l’avons vu en Europe à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour les entreprises et les pays pétroliers et gaziers, c’est un cas de damné si vous le faites, damné si vous ne le faites pas, indépendamment de leurs actions. Les investissements mondiaux dans l’électrification propre, les carburants à faibles émissions et l’efficacité énergétique sont déjà plus élevés que ceux dans le charbon, le pétrole et le gaz naturel, avec des rendements plus constants pour les projets d’énergie propre. Peu de gens doutent que les investissements dans l’énergie propre continueront généralement d’accélérer (avec des bosses en cours de route, c’est certain). 

Alors que nous nous éloignons des combustibles fossiles, quatre grandes catégories de charges électriques stimulent la croissance du système électrique. Il s’agit du chauffage électrique (à usage résidentiel, commercial et institutionnel), de l’électrification des transports (y compris les véhicules électriques, mais aussi le rail et d’autres moyens de transport), de l’électrification des procédés industriels (y compris le chauffage et le séchage, mais aussi l’électrochimie et éventuellement de nouvelles applications telles que la réduction directe du fer) et de la production d’hydrogène (remplaçant l’hydrogène gris en tant que matière première chimique pour l’ammoniac et le méthanol, pas en tant que vecteur d’énergie). Des billions de dollars seront investis dans les systèmes et les appareils électriques des clients. 

Le réseau électrique doit croître de manière significative afin de répondre aux besoins de ces nouvelles charges électriques. Dépendant du niveau actuel d’électrification, les réseaux dans des régions comme le Québec devront croître de 1,5 ou 2 fois d’ici 2050, tandis que ceux du Nord-Est américain devront croître peut-être 4 fois, et même plus encore dans les pays en développement. Cela signifie des billions d’investissements supplémentaires dans la production, le transport et la distribution d’énergie propre dans les années à venir. Cependant, un taux de croissance aussi élevé avec principalement des sources éoliennes et solaires intermittentes exige que les services publics d’électricité conservateurs adoptent de nouvelles façons de penser et de travailler. Les services publics font face à de nombreux défis : attirer la participation aux programmes de gestion de la demande, de réponse à la demande et d’efficacité énergétique?; intégrer de nouvelles technologies de réseau, comme le stockage?; réduire les retards d’interconnexion pour les projets d’énergie renouvelable ; améliorer la fiabilité du service ; construire de nouvelles infrastructures de production et de transport?; gérer le resserrement du marché du travail?; assurer l’abordabilité, l’équité entre les clients et des investissements prudents?; gérer l’évolution des exigences réglementaires et du marché de l’électricité?; et plus encore. Les gouvernements et les organismes de réglementation devront élaborer des politiques et des concepts de marché bien pensés pour soutenir les services publics pendant la transition énergétique. Malheureusement, les politiques stupides sont encore beaucoup trop courantes, comme c’est le cas actuellement au Texas et en Alberta.

La vérité risque aussi de devenir une autre victime de la transition. Les rebondissements des montagnes russes de la transition offriront des opportunités à tout le monde — négationnistes et alarmistes, foreurs et écolos — de croire qu’ils sont sur la bonne voie, juste pour dérailler plus tard. Malheureusement, la transition énergétique est un sujet complexe et le «?gros bon sens?» est souvent erroné. Beaucoup de gens espèrent aussi gagner de l’argent rapidement en sautant dans le train de l’industrie de l’énergie. Ils apportent des idées et des inclinations importées d’autres domaines, mais qui peuvent ne pas être pertinentes ici. Il n’y a pas de solution magique à la transition énergétique.

En guise de dernier mot, ne vous laissez pas influencer par les dernières bosses sur les montagnes russes de la transition énergétique. Gardez l’esprit ouvert et restez calme, en vous appuyant sur des sources impartiales et bien informées. Transformer les systèmes énergétiques du monde en systèmes énergétiques durables prend du temps et des efforts, mais c’est ce qui se passe. Le monde à venir sera différent, mais meilleur à bien des égards.

Bonne chance à vous et aux vôtres pour l’année à venir?!

The Energy Transition: Bumpy Ride in 2024 and Beyond

When analysts show you charts of the energy transition over time, such as percentages of renewable energy, EV sales, or peak oil production, have you notice how future years are a smooth curve while past years are a zigzag? Do you really think this will happen?

An industry transition is never smooth. It’s like riding a rickety roller coaster in the dark, with heart-stopping drops, sharp turns, unexpected loops, and sudden dead ends.

That bumpy ride awaits us in 2024 and beyond as we transition away from fossil fuels.

To understand where we’re going, I pay close attention to developments in the oil market, since it is the bedrock of the current energy system. Currently, worldwide crude oil (and other liquids) production is around 102 million barrels per day (mbpd), having decreased to 91 mbpd during the pandemic. Road fuels are by far the largest use of refined oil. Worldwide sales of combustion passenger vehicles and trucks have already peaked, but more vehicles are still entering the fleet than being scrapped. Therefore, global oil demand is expected to rise again by about 2 mbpd in 2024. However, China announced that 2023 marks peak gasoline demand in China, with plugin share of newly registered vehicles is now approaching 40%. We can expect that the world’s fleet of combustion vehicles will soon start shrinking, explaining the International Energy Agency’s (IEA) stated policy scenario of a peak in oil demand before 2030. Clearly, EVs will gradually choke off demand for oil over time. Then the ride will get really bumpy.

Many oil producers (countries) say that they will continue to produce throughout the transition and beyond. They can’t all be right. Historically, countries in the OPEC cartel (and OPEC+, created in response to falling oil prices driven by US shale oil output) have acted as balancing producers, reducing their output to maintain prices. But OPEC is now facing a crisis. Angola is the latest country to leave OPEC. The cartel now accounts for just 27 million barrels per day. Additionally, some non-OPEC producers are increasing their output, such as Canada, which expects to produce 5.3 million barrels per day by year-end 2024, from 4.8 mbpd in 2023. The United States is on track to reach a new record high of 13.1 million barrels per day in 2024 (or perhaps as much as 13.35), up from 12.9 million barrels per day in 2023.

How will this get resolved? Nobody knows for sure. Saudi Arabia is currently the lowest cost oil producer. They may choose to limit their output to maintain high prices for a few more years, assuming that the other OPEC and OPEC+ countries follow suit. Or they may choose to lower prices in the hope that US shale oil producers will stop drilling new wells and reduce output. Or the Saudis may decide to abandon Russia, with Russia then becoming even more dependent on China, with unknown geopolitical implications. Or new wars in the Balkans or Taiwan will disrupt global supply chains. Or all this, and more, may happen over time.

In addition to bumps caused by oil and gas hazards, we can also expect further bumps in the clean energy supply chain itself. Clean technology is evolving rapidly, and some of today’s darlings will fail, to be replaced by something better that nobody knows yet. Some new technologies will have to go through a long maturation process before they succeed, as we have seen with the initial problems in large offshore wind turbines. Some promising clean technologies will fail to scale from MW to GW, limiting them to niche applications. Some new products will just be bad, such as some early EV models from traditional automakers. Not-in-my-backyard (NIMBY) activism can delay the implementation of clean energy projects or even lead to their cancellation. The clean tech supply chains are already tight, with, for example, lead times on electrical transformers stretching into years. The risk of a mineral supply disruption, such as that of copper, is very real. Geopolitical factors further increase uncertainty, with much battery, solar panel and wind turbine manufacturing now concentrated in China, as well as mineral processing, including for rare earths.

I hope that you are not already getting sick from all these roller coaster bumps, because the transition will bring more of them. A successful transition away from fossil fuels will mean winners, but there will also be losers: oil workers in developed countries could lose their jobs, while developing countries dependent on oil could face budget shortfalls and possible civil unrest, with unknown humanitarian and geopolitical consequences. Some developing countries may not be able to obtain reliable electricity from renewable sources due to supply chain issues. However, there is a glimmer of hope here: the distributed and local nature of these technologies offers hope of alleviating the energy poverty experienced by 1 billion people who cannot afford the use of fossil fuels.

So, we do not know what the next bumps will be, but what can we prepare for?

Overall, the energy transition is expected to hurt the bottom line of oil and gas companies, whether due to reduced volumes or lower prices. These companies also pay a higher risk premium due to volatility and uncertainty. The upstream oil and gas business, including exploration and extraction, has become increasingly risky and less profitable. In contrast, midstream activities such as transportation, storage and wholesale should be less affected in the short term. Also, some believe that there will be no peak in global oil production before 2030: OPEC expects demand for oil to continue growing through 2050. There is no consensus or certainty regarding this transition. Still, if you work in upstream oil and gas, look for opportunities to apply your skills in clean energy — geothermal and offshore wind comes to mind. If you work downstream, opportunities may include green hydrogen production (to replace grey) and EV charging networks (but expect this to be different than gas stations).

While low oil prices may delay the clean energy transition, they would reduce investment in oil and gas and therefore free up capital for investments in clean technologies. Furthermore, disruptions in oil and gas supplies can lead to price rises. These events also tend to increase investment in clean technologies, as we have seen in Europe following Russia’s invasion of Ukraine. For fossil fuel companies and countries, it is a case of damned if you do, damned if you don’t, regardless of their actions. Global investments in clean electrification, low-emission fuels and energy efficiency are already higher than those in coal, oil and natural gas, with more consistent returns for clean energy projects. Few would doubt that clean energy investments will generally continue to accelerate (with bumps along the way, for sure). 

As we transition away from fossil fuels, four major categories of electrical loads are driving the growth of the power system. These are electric heating (for residential, commercial and institutional use), transportation electrification (including EVs, but also rail and other means of transport), electrification of industrial processes (including heating and drying, but also electrochemistry and possibly new applications such as direct iron reduction) and hydrogen production (replacing grey hydrogen as a chemical feedstock for ammonia and methanol, not as an energy carrier). Trillions of dollars will be invested in customer electrical systems and devices. 

The electricity grid must grow significantly to meet the needs of these new electrical loads. Depending on the current level of electrification, grids in regions such as Québec will have to grow by 1.5 or 2 times by 2050, while those in the US Northeast will have to grow perhaps 4 times, and even more in developing countries. This means trillions of additional investments in clean energy generation, transmission and distribution in the coming years. However, such a high rate of growth with mainly intermittent wind and solar sources requires that conservative electric utilities adopt new ways of thinking and working. Utilities face many challenges: attracting participation in demand management, demand response and energy efficiency programs; integrating new grid technologies, like storage; reducing interconnection delays for renewable projects; improving service reliability; building a new generation and transmission infrastructures; managing tight labour market; ensuring affordability, fairness among customers and prudent investments; managing evolving regulatory and power market requirements; and more. Governments and regulators will need to develop well-thought-out policies and market designs to support utilities during the energy transition. Unfortunately, dumb policies are still far too common, as is currently happening in Texas and Alberta.

Truth also risks becoming another victim of the transition. The twists and turns of the transition roller coaster will provide opportunities for everyone—deniers and alarmists, roughnecks and tree huggers—to believe that they are on the right track, only to derail later. Unfortunately, energy transition is a complex subject and “common sense” is often wrong. Many people also hope to make a quick buck by jumping on the energy industry bandwagon. They bring ideas and inclinations imported from other fields, but which may not be relevant here. There is no magic solution to the energy transition.

As a final word, don’t let yourself be swayed by the latest bumps on the energy transition roller coaster. Keep an open mind and stay calm, relying on unbiased and well-informed sources. Transforming the world’s energy systems into sustainable ones takes time and efforts, but it is happening. The world to come will be different, but better in many ways.

All the best to you and yours for the coming year!

The Maslow Pyramid of EV Charging

Remember the Maslow pyramid? It is often used to illustrate human needs, with the largest, most fundamental needs at the bottom, and the self-fulfillment needs at the top. This idea also applies to light-duty EV charging infrastructure.

The EV charging pyramid represents what I expect the market shares of the basic charging use cases to be once the EV charging infrastructure is more widely deployed, in a decade or so. The market share is expressed as the overall percentage of the delivered energy for each case. Obviously, these market shares are only indicative and will vary between regions, depending on various factors such as the rate of home ownership and urbanization. Also, individual EV drivers will have different charging patterns, with some drivers using some use cases much more than others.

These four segments are the fundamental use cases for light-duty EV charging. Each has its own characteristics (see table below). Overall, home charging is the largest segment because it is the most convenient and the least expensive mean to charge an EV. On-the-go fast charging (like going to a gas station) is the least convenient and the most expensive. Charging at various destinations is in between these extremes. 

All EV drivers may use all of these options, and each one is good in its own way. However, some drivers will use some of them more than others. For example, a salesperson often driving to see clients in distant cities may use a lot of on-the-go charging, whereas a retired couple may only use home charging, except for occasional trips to see family in other cities. A city dweller parking on the street may primarily use destination charging at work or while shopping, but use home charging at their cottage. The pyramid only illustrates the overall market share; it does not represent individual patterns.

The key then is to match the speed of charging to the expected duration of stay. For on-the-go charging, a driver is stopping to charge the vehicle. Charging needs to be as fast as possible. For destination and home charging, charging occurs while the EV is parked and the driver doing something, like shopping, visiting or sleeping — it’s charging while parked. Charging time needs to match park duration. Some destinations have longer park duration than others, as one may spend a day at a national park (good for Level 2 charging) but less than an hour at a shopping mall (good for a moderate fast charger). The basic rule is that the charging speed needs to match the expected dwell time at a site. Too fast or too slow charging both result in suboptimal customer experience.

Stopping to Charge vs. Charging While Parked

The other characteristics stem from this observation. 

Convenience. On-the-go charging at a service station is the least convenient: drivers only go there for the chore of charging and, perhaps also for a restroom break and to get coffee. Other cases are more convenient, as charging occurs naturally while the drivers do what they need to do — no time wasted waiting. 

Criticality. On-the-go charging is the most critical situation, since drivers usually stop with a nearly depleted battery. If there is a line-up or if a charger is broken, they are stuck unless there are other fast chargers in the vicinity. In contrast, destination charging does not require waiting for a fully depleted battery. Drivers will instead charge their vehicles whenever they have the opportunity. And there are far more Level 2 chargers than fast chargers — there’s always another one nearby.

Costs. On-the-go charging is also the most expensive to use, as these fast chargers have the most expensive hardware and the highest power costs. Destination chargers are less expensive than on-the-go chargers, cost less in electricity and may be subsidized to attract shoppers. Home charging is the least expensive, sometime as little as a dollar for a full charge, especially when charging at off-peak electricity rates. Level 1 (120 volts) chargers may be used at home, avoiding the purchase of a more expensive Level 2 charger. 

Public site owners and charging operators need to understand the pyramid to optimize customer experience and the economics of charging sites. Too many sites have been built with a poor match between charging speed and stay duration: 

  • Moderate (50 kW) fast chargers along highways (too slow) backed up by a Level 2 charger (way too slow).
  • Moderate fast chargers at a hotel (too fast, as drivers need to come back to move the vehicle after charging). 
  • Very fast chargers at a shopping mall (too fast, as the drivers needs to wait for charging to complete before shopping).
  • Level 2 charger at a fast food restaurant (too slow, as a few minutes of charging doesn’t provide a meaningful charge).

Hopefully, as more charging site owners and operators become EV drivers themselves, we will see emerging a public charging infrastructure that is convenient and resilient, supporting the transition away from fossil-fuel vehicle.

Analyse historique du plan d’action « Vers un Québec décarboné et prospère » d’Hydro-Québec

J’ai lu avec attention ce plan d’action et, surtout, écouté la commission parlementaire du 30 novembre dernier lors de laquelle des membres de la haute direction d’Hydro-Québec ont témoigné. Je présente ici mon analyse personnelle de tout ceci, dans une perspective historique partant des années 60.

Michael Sabia présente ce plan comme un «?projet de société?» et il a répété cette expression plusieurs fois, au point d’en faire le thème central de la commission parlementaire. La vision est ainsi beaucoup plus sociale et économique que le commercialisme de l’ancien président Éric Martel et que la perspective surtout organisationnelle de l’ancienne présidente Sophie Brochu. 

Le plan d’action semble cohérent avec un projet de société. Les autres dirigeants de l’entreprise ont ainsi fait de nombreuses références à l’ouverture de l’entreprise pour travailler avec les peuples autochtones, les communautés, les clients, l’écosystème de l’électricité, les promoteurs, etc. On a même mentionné l’ouverture sur le monde en voulant s’inspirer de ce qui se fait de mieux ailleurs. Le plan d’action est d’ailleurs présenté comme étant une première ébauche, sujette justement à des ajustements à la suite de discussions à venir. Je reçois ceci comme un vent de fraîcheur, Hydro-Québec s’étant repliée sur elle-même au cours des dernières années. Le cadre de ces discussions n’est cependant pas précisé.

Le plan d’action «?Vers un Québec décarboné et prospère?» rappelle la période qui a suivi la Révolution tranquille, dans les années 60 et 70. Les gouvernements successifs, unionistes, libéraux ou péquistes, ont alors enclenché le développement des grands ouvrages de Manic-Outardes, qui ont doublé la capacité de production du Québec, de Churchill Falls (au Labrador) et de la Baie-James, qui l’ont encore doublé. Aujourd’hui, on parle à nouveau de doubler à l’horizon 2050. Mais augmenter la capacité de production ne fut pas le seul objectif des gouvernements. 

Dans les années 60 et 70, les gouvernements ont aussi utilisé la construction des grands ouvrages pour permettre aux Québécois francophones de prendre en main le développement économique de la province. Ce développement économique fut à la fois dans le secteur secondaire (fabrication d’équipement électrique et alumineries) et dans le secteur tertiaire (grandes firmes de génie-conseil et, un peu plus tard, en technologies de l’information). On entend encore les échos de cette décision d’avenir, car le Québec est aujourd’hui le pôle canadien de fabrication de matériel électrique : nous avons proportionnellement 2 fois plus d’emplois en fabrication de matériel électrique que le reste du Canada, tout au long de la chaîne de valeur, et des PME aux multinationales. Cette période voit aussi l’émergence de firmes québécoises de génie-conseil de calibre international, dont certaines sont parvenues au top-10 mondial, comme SNC-Lavalin. 

On peut s’inspirer de ce parallèle historique, tout en constatant que la situation actuelle présente ses caractéristiques propres. 

On parle encore d’hydroélectricité appuyée par le savoir-faire d’Hydro-Québec, bien évidemment, mais beaucoup d’éolien et de solaire, filières moins coûteuses, plus décentralisées, plus rapides à implanter, et utilisables directement par les clients. Au fil des grands projets hydroélectriques, dès les années 50, Hydro-Québec est devenue experte dans la gestion de ces projets, largement livrés à temps et dans les budgets. C’est exceptionnel dans le domaine — on n’a qu’à penser aux dépassements des projets Site C en Colombie-Britannique et Muskrat Falls au Labrador. Or, Hydro-Québec n’a pas le même savoir-faire pour l’éolien et le solaire que pour l’hydroélectricité, alors que plusieurs développeurs ont déjà acquis une expérience considérable en éolien et en solaire en Europe, aux États-Unis ou en Asie. Certains de ces développeurs sont même basés ici, comme Boralex et Brookfield. Dans le plan d’action, Hydro-Québec semble ouverte à continuer à travailler avec des développeurs, et je crois que c’est bien ainsi, pour éviter à notre tour des erreurs coûteuses. 

On parle aussi de plus de lignes et de postes de transport vers nos voisins, et pas seulement pour l’exportation, mais aussi pour utiliser nos ouvrages afin d’équilibrer la production renouvelable intermittente ici et ailleurs — une très grande valeur économique. Pour ce qui est des lignes de distribution dans les villes et les campagnes, elles ont été mises à niveau lors des vagues d’électrification des années 60 à 80, mais plusieurs équipements arrivent en fin de vie. C’est en partie ce qui explique la dégradation de la fiabilité du service depuis une dizaine d’années. Or, la fiabilité sera d’autant plus nécessaire que la société sera plus dépendante de l’électricité. Le plan fait mention de réduire les pannes de 35 % d’ici 7 à 10 ans, ce qui semble peu ambitieux puisque les pannes ont doublé depuis 10 ans. Tout de même, plusieurs technologies et façons de faire sont considérées pour redresser la situation, avec des infrastructures physiques plus résistantes ou résilientes (conducteurs recouverts, entrecroises flexibles, poteaux en composite), des systèmes de protection (plus de réenclencheurs, réenclenchement monophasé, réseau plus maillé, automatismes, etc.), ou encore avec une meilleure maîtrise de la végétation.  

Depuis les années 70, Hydro-Québec a périodiquement mis l’accent sur l’efficacité énergétique, surtout dans les années immédiatement avant la mise en marche d’une nouvelle centrale, abandonnant cependant ces programmes dans les années suivantes, lors de surplus. Ces programmes furent surtout administrés par des firmes privées mieux capables de rejoindre efficacement les nombreux clients, comme la firme de génie-conseil Dessau pour le programme Énergain au début des années 80. Aujourd’hui, la participation active des clients, passifs consommateurs en 1960, est nécessaire pour atténuer les pointes de demandes et consommer efficacement l’électricité. On parlera donc aussi de programmes de gestion de la demande, en plus d’efficacité énergétique. Les programmes comme la «?GDP affaires?» (gestion de pointe pour les clients commerciaux, institutionnels ou industriels) avec des agrégateurs privés et l’entente récente avec Sinopé pour automatiser la tarification dynamique sont probablement appelés à se multiplier. Certains clients seront aussi autoproducteurs, avec des systèmes solaires (et éoliens pour certains industriels) installés par des tiers. La collaboration avec les clients et l’écosystème de l’électricité sera nécessaire, même si elle prendra différentes formes qu’il y a 40 ou 50 ans.

En industrialisation, on ne parle plus d’alumineries mais de secteurs nécessaires à la transition, comme la fabrication de batteries. En 1970, on promettait des emplois pour se faire élire, mais nos entrepreneurs et industriels sont maintenant en pénurie de main-d’œuvre et doivent automatiser leurs usines. 

Dans les discussions à venir sur ce projet de société, il y aurait lieu, je crois, d’avoir aussi des discussions sur des points qui pourraient faire polémiques. Mieux vaut aborder ces points maintenant si on veut arriver à un consensus durable envers ce projet de société. 

Par exemple, l’écosystème de l’électricité ne réalise pas son plein potentiel d’innovation. Il n’en a pas toujours été ainsi, car la Révolution tranquille a vu l’innovation québécoise se démarquer. Ainsi, les lignes de transport d’électricité à 735?000 volts, inventées ici et inaugurées en 1965, sont demeurées les lignes à la plus haute tension dans le monde jusqu’en 1982, seulement alors surclassées par une installation d’Union soviétique. Depuis, Hydro-Québec a fait plusieurs tentatives de commercialisation d’innovations du centre de recherche d’Hydro-Québec, avec des filiales comme Nouveler, Capitech et Industech. Les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Ailleurs au Québec, même si l’innovation est au cœur des préoccupations des entrepreneurs et des industriels engagés dans la transition énergétique, on se doit de constater que l’écosystème ne réalise plus son plein potentiel, avec des barrières importantes, en particulier à ce qui a trait à la commercialisation. L’ouverture énoncée dans le plan pourrait donc devenir un accélérateur d’innovation par les entrepreneurs et industriels d’ici. Pour appuyer l’écosystème, on devrait peut-être repenser le rôle du centre de recherche d’Hydro-Québec pour en faire un moteur d’innovation, en s’inspirant de modèles existants ailleurs. Par exemple, en Colombie-Britannique, Powertech Labs est une filiale de BC Hydro très active dans la certification de produits électriques et plusieurs de nos entrepreneurs y font tester leurs nouveaux designs. En Ontario, Kinectrics, issue de la privatisation d’Hydro Ontario Research Division il y a une vingtaine d’années, est maintenant présente dans 7 pays et œuvre aussi dans le domaine des tests d’appareillages électriques. Un troisième modèle pourrait être le Lawrence Berkeley National Laboratory aux États-Unis, avec une mission de recherche appliquée peut-être plus conforme au nom officiel du centre de recherche, l’Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ). Ces exemples et d’autres devront être discutés avec toutes les parties prenantes, y compris les entrepreneurs et industriels du secteur ainsi que le personnel de l’IREQ.

Tant qu’à avoir des discussions difficiles, il faudra aussi étudier les réformes de l’industrie qui ont eu lieu en Europe au cours des dernières décennies. Ce fut en particulier le cas en Norvège et en Suède, qui, comme le Québec, sont des régions largement alimentées à l’hydroélectricité dans un climat nordique. En général, les points forts de ses réformes ont été le dégroupage du secteur et l’introduction d’un marché de l’électricité. On a donc divisé les opérations du système électrique en transport et distribution d’électricité, qui sont des monopoles naturels, et la production et la vente d’électricité, qui ont été soumises à la concurrence. En outre, un marché de gros de l’électricité avec des prix fluctuants a été introduit en plus d’un marché de détail où les consommateurs pouvaient choisir leur fournisseur d’électricité. 

D’emblée, je dois dire que je ne vois aucun appétit de privatisation d’Hydro-Québec (à l’image d’Hydro One en Ontario) ni pour revoir le mandat d’exploitation des forces hydrauliques comme stipulé dans la Loi sur Hydro-Québec. De plus, les lignes de transport et de distribution utilisées pour fournir le service au public sont un monopole naturel local qui n’est pas remis en question, mais Hydro-Québec n’est pas le seul exploitant au Québec, puisqu’il y a 10 autres distributeurs d’électricité (9 municipalités et une coop) et quelques lignes de transport privées entre des installations industrielles. Cependant, on pourrait comparer les avantages et les inconvénients de réformer le secteur à l’image des Européens. Ceci amènerait aussi la discussion vers le besoin d’avoir un exploitant indépendant («?Independent System Operator?») comme ailleurs en Amérique du Nord. Ce seraient certainement des discussions animées, opposant des vues très différentes, mais nécessaires pour avoir les conditions gagnantes pour effectuer une transition énergétique porteuse de prospérité. Un défi constant lors de ces discussions sera d’aller au-delà des phrases clichés et de partager une compréhension commune des enjeux et des possibilités — l’industrie de l’électricité est complexe et le «?gros bon sens?» nous amène rarement aux bonnes conclusions.

En conclusion, je crois qu’il y a assez peu à critiquer sur ce plan d’action initial proposé par Hydro-Québec, aligné avec les volontés gouvernementales et somme toute bien réfléchi. Les quelques critiques que j’ai entendues sont surtout en amont ou en aval. En amont, Hydro-Québec est un instrument du gouvernement du Québec, et on ne peut lui reprocher d’agir en conséquence. Par exemple, certains critiquent l’allocation de 25 % de l’électricité supplémentaire pour la croissance économique, préférant mettre l’accent sur la réduction de la consommation. Cependant, c’est une décision gouvernementale à laquelle Hydro-Québec ne fait que répondre, et on ne peut lui reprocher ceci. En aval, d’autres soulignent les risques à exécuter ce plan, comme pour ce qui est de la pénurie de main-d’œuvre, de l’incertitude sur les besoins futurs ou des imprévus associés au développement des centrales de production. Tout vrai, mais j’ai déjà fait plusieurs plans stratégiques dans des contextes de transition, et les meilleurs sont à la fois ambitieux et itératifs?; les détails deviendront plus clairs au fur et à mesure. 

En fait, c’est là la clé : il faut discuter de ce projet de société entre nous, s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, dans des forums qui laissent place à toutes les perspectives.