Les gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe ont mis en place plusieurs politiques pour favoriser la production d’hydrogène à bas carbone (vert ou bleu, pour les gens qui aiment les couleurs), mais peu de politiques pour forcer son utilisation.
Actuellement, l’hydrogène de source fossile est surtout utilisé en raffinage, pour la fabrication de fertilisant et pour la fabrication de méthanol. Cet hydrogène est souvent auto-produit sur place à partir de gaz naturel. Ces usages particuliers sont fortement exposés aux marchés et très sensibles aux prix. On comprend qu’il y a alors peu d’intérêt pour la même molécule, mais qui coûte plus cher à produire juste parce qu’on émet moins de carbone.
L’industrie de l’hydrogène à bas carbone c’est alors tournée vers des usages émergents, comme la réduction du minerai de fer ou le transport lourd. Or, il y a encore peu de demande pour ces usages, et il n’est même pas certain qu’une demande importante émerge en transport. En conséquence, on voit des projets de production d’hydrogène à bas carbone être stoppés aux É.-U. et au Canada, ainsi que des projets de pipeline s’arrêter en Allemagne, simplement parce qu’il n’y a pas de preneurs.
À court terme, je pense qu’on doit considérer l’hydrogène à bas carbone comme un produit de première qualité, dont la quantité est limitée et donc le vendre pour des usages moins exposés aux marchés, comme certains usages industriels où de l’hydrogène très pur est requis, par exemple en fabrication microélectronique. En fait, pour certains usages industriels, l’hydrogène vert pourrait même être concurrentiel si fabriqué près de là où il est utilisé, évitant le transport d’hydrogène fossile fabriqué dans les usines pétrochimiques.
Monthly Archives: November 2024
Quelques réflexions sur le prix du carbone
L’effet de mettre un prix général sur le carbone est d’amener les entreprises et les consommateurs à chercher des solutions pour réduire ce coût en utilisant des technologies renouvelables, la biomasse ou de l’hydrogène à bas carbone.
Cependant, le prix du carbone à n’importe quel niveau politiquement viable ne sera pas suffisant pour faire la transition dans les délais requis.
• C’est certainement le cas en efficacité énergétique, par exemple, car devenir plus efficace diminue l’impact du prix du carbone.
• Aussi, un prix sur le carbone visible aux consommateurs peut entraîner une vive opposition et, finalement, retarder la transition.
• Pour les entreprises, ajouter un coût dans un marché concurrentiel peut réduire la compétitivité.
Un prix sur le carbone est un peu comme une hache pour dégrossir un tronc d’arbre. C’est bien, mais pour finir le totem de la transition, il faut aussi des outils plus précis et on utilise alors des couteaux ou des ciseaux de sculpteur. Ainsi, en plus du prix sur le carbone, des politiques plus ciblées sont requises. Pour y arriver collectivement, il faudra créer un climat propice aux investissements, adopter des innovations, et changer nos comportements, car seulement mettre un prix sur le carbone et conduire des voitures électriques ne suffiront pas.
Conférence HyPorts-Meet4Hydrogen à Trois-Rivières cette semaine.
J’ai bien aimé la conférence HyPorts-Meet4Hydrogen, à Trois-Rivières cette semaine.
Les présentations de Hy2gen et de Greenfield Global étaient particulièrement intéressantes. Dans les 2 cas, on utilise de l’hydrogène vert dans des processus industriels, et non directement comme un vecteur énergétique.
– Hy2Gen, à Baie-Comeau, produira du nitrate d’ammonium servant à faire des explosifs. L’hydrogène vert, produit à partir de l’hydroélectricité de la Côte-Nord, y sert d’intrant pour le nitrate d’ammonium aussi utilisé sur la Côte-Nord, permettant de décarboner en partie le secteur minier. On pourrait presque parler d’économie circulaire!
– Greenfield produit du méthanol et de l’éthanol, et du biodiesel et du carburant d’aviation durable (SAF) dans le futur, qui peuvent être utilisés comme vecteur énergétique, l’hydrogène étant un intrant dans ces processus. Ces produits visent d’abord le marché maritime, et éventuellement le transport terrestre et aérien.
Les projets Hy2Gen et Greenfield s’harmonisent également avec la stratégie du gouvernement du Québec (qui présentait également) visant à promouvoir l’utilisation locale de l’hydrogène vert.
Il y a eu plusieurs présentations de ports européens, comme Rotterdam et Dunkerque. L’échelle des projets d’hydrogène vert et de carburants renouvelables qui y sont mis en œuvre est colossale. Il n’y a pas de doute que nous aurons besoin de grande quantité d’hydrogène vert, à la fois pour remplacer l’hydrogène gris dans ses applications actuelles (ammoniac, méthanol, réduction du minerai de fer, etc.) et pour l’expansion de ces applications.
Quelques présentations, dont celles de Rotterdam et de Dunkerque, supposent une grande demande pour l’hydrogène en tant que vecteur énergétique direct pour le transport terrestre. À écouter l’ensemble des présentations, je vois mal comment on pourrait justifier l’utilisation d’hydrogène dans des piles à combustible ou dans des moteurs à combustion interne en transport alors qu’on peut utiliser du méthanol, de l’éthanol ou du diesel renouvelables (fabriqués en partie avec de l’hydrogène vert comme intrant). Évidemment, c’est plus cher que le diesel fossile, mais vraisemblablement moins cher que de déployer une infrastructure de distribution d’hydrogène pour les quelques applications où l’électrification directe ou par batterie ne sera pas possible. De plus, les véhicules actuels peuvent être utilisés au lieu d’avoir des véhicules à pile à combustible 2 fois plus chers… À mon avis, il y aura probablement quelques applications de niche pour les piles, mais des niches, pas plus. On pourrait critiquer l’empreinte carbone des carburants renouvelables, qui est potentiellement plus grande que celle de la chaîne hydrogène vert et pile à combustible, mais les carburants renouvelables constituent un grand pas et probablement une approche de décarbonation à moindre coût. Aussi, notons qu’il y aura à surmonter quelques contraintes, comme le point de congélation du biodiésel.
HyPorts-Meet4Hydrogen Conference in Trois-Rivières
I really enjoyed the HyPorts-Meet4Hydrogen conference in Trois-Rivières this week.
The Hy2gen and Greenfield Global presentations were particularly interesting. In both cases, green hydrogen is used in industrial processes, and not directly as an energy carrier.
– Hy2Gen, in Baie-Comeau, will produce ammonium nitrate used to make explosives. Green hydrogen, produced from North Shore hydroelectricity, is used as an input for the ammonium nitrate also used on the North Shore, making it possible to partially decarbonize the mining sector. We could almost talk about a circular economy!
– Greenfield produces methanol and ethanol, and biodiesel and sustainable aviation fuel (SAF) in the future, which can be used as an energy carrier, with hydrogen being an input in these processes. These products are primarily aimed at the maritime market, and eventually at land and air transport.
Hy2Gen and Greenfield projects also align with the strategy of the Québec government (also presenting) to promote the local use of green hydrogen.
There were several presentations from European ports, such as Rotterdam and Dunkirk. The scale of green hydrogen and renewable fuel projects (which are being implemented there) is colossal. There is no doubt that we will need large amounts of green hydrogen, both to replace grey hydrogen in its current applications (ammonia, methanol, iron ore reduction, etc.) and for the expansion of these applications.
Some presentations, including those of Rotterdam and Dunkirk, assume a great demand for hydrogen as a direct energy carrier for land transport. Listening to all the presentations, I find it difficult to see how we could justify the use of hydrogen in fuel cells or in internal combustion engines in transportation when we can use renewable methanol, ethanol or diesel (partly made with green hydrogen as an input). Obviously, this is more expensive than fossil diesel, but presumably cheaper than deploying hydrogen distribution infrastructure for the few applications where direct or battery electrification will not be possible. In addition, current vehicles can be used instead of having fuel cell vehicles that are 2 times more expensive… In my opinion, there will probably be a few niche apps for fuel cells, but niches, no more. One could criticize the carbon footprint of renewable fuels, which is potentially larger than that of the green hydrogen-fuel cell pathway, but renewable fuels are a big step forward and probably a lower-cost decarbonization approach. Also, it should be noted that there will be some constraints to overcome, such as the freezing point of biodiesel.
Les entreprises de services écoénergétiques sont des acteurs clés, mais méconnus, de la transition énergétique. Que font-elles??
Une entreprise de services écoénergétiques (communément appelée ESÉ, ou «?Energy Service Company?», ESCo, en anglais) est une entreprise qui développe, installe et organise le financement de projets visant à optimiser l’efficacité énergétique, la gestion de pointe, et les coûts des installations énergétiques d’entreprises et d’institutions.
Généralement, les ESÉ peuvent offrir les services suivants :
– Diagnostiquer la consommation énergétique et l’état des systèmes.
– Élaborer et organiser le financement de projets d’efficacité énergétique.
– Installer et entretenir l’équipement.
– Mesurer et vérifier les économies d’énergie.
– Opérer les systèmes de gestion de pointe.
– Valider les factures du distributeur d’électricité et du détaillant.
Les principaux leviers techniques sont l’immotique, l’éclairage, le chauffage et la climatisation des locaux, ainsi que le chauffage de l’eau.
Les grandes ESÉ prennent à leur compte certains risques techniques et de performance associés au projet par un contrat de performance énergétique (CPE) qui finance les améliorations à même les économies futures, sur plusieurs années.
Au Québec, les contrats de performance se sont développés rapidement à partir de 1998, après des modifications réglementaires touchant les appels d’offres des organismes publics. Dans la province, les deux principales ESÉ sont Ecosystem et Énergère. Econoler, l’une des premières ESÉ au monde, fut fondée en 1981 par Hydro Québec et Dessau-Soprin, un bureau de génie-conseil. Les dirigeants d’Ecololer ont racheté l’entreprise par la suite.
Ailleurs au Canada, les principales ESÉ sont Ainsworth Inc, Ameresco, Honeywell, Johnson Controls, Siemens et Trane, mais d’autres y sont aussi actives, et l’approche des contrats de performance y est moins développée.
En règle générale, les clients des ESÉ bénéficient de l’expertise d’un spécialiste qui les guide et les défend dans leurs interactions contractuelles et techniques avec les ESÉ. Ce spécialiste les aide à évaluer les économies d’énergie, à les calculer et à les mesurer chaque année, ainsi qu’à mettre en place des mécanismes de compensation en cas de succès ou d’échec dans l’atteinte de ces économies.
On trouve également plusieurs joueurs spécialisés qui ne sont pas des ESÉ à proprement parler, ne proposant que quelques services. Certains s’appuient sur l’intelligence artificielle, comme BrainBox AI et vadiMAP. Des firmes d’ingénierie sont également présentes sur le marché, principalement dans la conception et l’élaboration. De plus, de grandes entreprises européennes comme Engie ont récemment fait leur entrée sur le marché.
Energy service companies are important but little-known players in the energy transition. What do they do?
An energy service company, commonly referred to as an ESCo, specializes in enhancing energy efficiency, managing energy peaks, and reducing energy expenses for businesses and organizations.
Generally, ESCos may offer the following services:
– Diagnose energy consumption and system status.
– Develop and organize the financing of energy efficiency projects.
– Install and maintain equipment.
– Measure and verify energy savings.
– Operate state-of-the-art management systems.
– Validate invoices from the electricity distributor and the retailer.
The main technical levers are building automation, lighting, space heating and air conditioning, and water heating.
Large ESCos take on some of the technical and performance risks associated with the project by funding improvements through an Energy Performance Contract (EPC), which is funded from future energy savings over several years.
In the Québec market, performance contracts developed strongly after 1998, following regulatory changes applicable to calls for tenders by public bodies. In the province, the two main ESCos are Ecosystem and Énergère. Econoler, one of the first ESCos in the world, was founded in 1981 by Hydro Québec and Dessau-Soprin, a consulting engineering firm. Ecololer’s managers later bought the company.
Elsewhere in Canada, the major ESCos are Ainsworth Inc, Ameresco, Honeywell, Johnson Controls, Siemens and Trane, but others are also active in these countries, and the performance contracting approach is less developed.
Typically, ESCo customers have an expert who guides and advocates for them in their interactions with the ESCos, specifically in regards to contractual and technical matters. This expert’s role is to help evaluate energy savings, determine how to calculate and quantify them annually, and negotiate compensation arrangements between the parties if the desired savings are not met.
There are also several niche players, not necessarily ESCos, that provide limited services, some of which utilize artificial intelligence, such as BrainBox AI and vadiMAP. Engineering firms are also active in the market, particularly in the design and development stages. We are also seeing the emergence of large European companies like Engie.
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