
(LinkedIn : https://www.linkedin.com/pulse/énergies-renouvelables-et-fiabilité-retour-sur-la-panne-marcoux-dn4ue/)
J’étais en Espagne lors de la grande panne électrique du 28 avril 2025. Onze heures sans électricité, c’est une expérience marquante, même dans un pays doté d’un réseau aussi moderne que celui de l’Espagne. Depuis, plusieurs commentateurs pointent du doigt la forte production éolienne et solaire en cours au moment de l’incident. C’est une interprétation que je crois erronée.
Ce type d’événement ne devrait pas nous faire douter de la fiabilité d’un réseau riche en énergies renouvelables, mais plutôt nous rappeler qu’un tel réseau doit être conçu et planifié différemment.
Un réseau renouvelable est différent, pas moins fiable
Les systèmes électriques historiques ont été construits autour de grandes centrales thermiques ou hydroéectriques fournissant une inertie naturelle, un contrôle centralisé et une production prévisible. Mais les réseaux modernes, enrichis de ressources renouvelables, nécessitent des approches différentes :
· La fréquence, la tension et la stabilité doivent être assurées par des technologies comme le stockage par batteries, les contrôleurs dynamiques et l’inertie synthétique.
· La planification doit intégrer les profils de production solaire et éolienne, leur variabilité et leur complémentarité géographique.
· Les interconnexions doivent être renforcées pour que le système puisse s’autoréguler à grande échelle.
Ne confondons pas une panne de réseau avec un échec technologique
Même si l’incident du 28 avril s’est produit à un moment où les renouvelables étaient abondantes, cela ne signifie pas qu’elles en sont la cause. Les pannes majeures ont presque toujours des causes systémiques : protection mal coordonnée, perte de lignes critiques, réserve d’inertie insuffisante suite à un bris, ou mauvaise réponse à un incident local.
Ce que cela révèle, c’est que notre manière de planifier le réseau doit évoluer. On ne peut pas simplement ajouter du solaire et de l’éolien à une architecture conçue pour le thermique et l’hydro centralisé. Il faut repenser les fondations du système.
Le stockage, un allié essentiel
Le stockage à grande échelle, déployé intelligemment, peut jouer plusieurs rôles critiques :
· Soutien à la fréquence
· Démarrage sans réseau (black start)
· Lissage de la production variable
· Réserve de puissance rapide
Notons aussi que la perte soudaine d’une charge importante, comme un grand centre de données ou d’intelligence artificielle, peut perturber tout autant l’équilibre du réseau que l’arrêt d’une centrale de production — un risque souvent sous-estimé dans la planification traditionnelle.
Le stockage prend plusieurs formes — hydraulique pompée, thermique, chimique (batteries) — et peut être complété par d’autres sources de flexibilité comme la gestion de la demande. Cela dit, les batteries, avec leurs coûts en baisse rapide et leur grande flexibilité d’opération, sont appelées à jouer un rôle croissant. Elles constituent un élément clé d’un écosystème technologique capable d’assurer la stabilité, la flexibilité et la résilience nécessaires à un réseau moderne riche en énergies renouvelables.
Conclusion
Ce n’est pas la présence de renouvelables qui rend un réseau fragile, c’est l’absence d’adaptation du système à cette nouvelle réalité. Les réseaux d’avenir ne peuvent être calqués sur ceux du passé. Il faut les concevoir avec les bons outils, les bons signaux, et une planification tournée vers la résilience.
La fiabilité n’est pas un héritage : c’est une construction.