
Le livre The Age of Revolutions de Fareed Zakaria offre une analyse historique approfondie de l’industrialisation, du nationalisme et de la mondialisation, et de leur impact sur les économies et systèmes politiques modernes. Bien que le livre traite principalement du passé, partant au 16e siècle aux Pays-Bas et poursuivant en Angleterre, en France et aux États-Unis, ses thèmes résonnent fortement avec le contexte géopolitique actuel — particulièrement en ce qui concerne les tensions croissantes entre le Canada et les États-Unis. L’histoire que présente Zakaria offre un aperçu précieux des causes sous-jacentes de ces tensions et de leurs implications plus larges pour les deux pays.
(LinkedIn : https://www.linkedin.com/pulse/critique-et-analyse-du-livre-age-revolutions-de-zakaria-marcoux-mx7be/)
Un historique du protectionnisme économique et des rivalités industrielles
L’un des principaux arguments de Zakaria est que la montée économique des États-Unis s’est initialement appuyée sur l’espionnage industriel, le protectionnisme et des investissements massifs dans les infrastructures. Il souligne que les États-Unis ont emprunté — souvent illicitement — de nombreuses innovations britanniques, tout en protégeant leurs industries émergentes par des tarifs douaniers élevés.
Le Canada, tout comme la Grande-Bretagne avant lui, se retrouve aujourd’hui en conflit avec une Amérique protectionniste. Les différends commerciaux récents, allant des tarifs sur l’énergie à ceux sur l’acier et l’aluminium, reflètent les schémas historiques du nationalisme économique que Zakaria décrit. Ces dernières années, les États-Unis ont de plus en plus adopté des politiques favorisant la production nationale au détriment de leurs partenaires commerciaux traditionnels. Le mouvement des révolutions nous rappelle que le nationalisme économique n’est pas un phénomène récent?; il fait partie intégrante de l’histoire américaine.
Le nationalisme comme outil de distraction politique
Zakaria soutient que les mouvements nationalistes conservateurs du XIXe siècle utilisaient le protectionnisme et la xénophobie pour détourner l’attention des troubles internes. Il écrit, en anglais : «?Les vainqueurs de cette lutte ont souvent été des nationalistes conservateurs qui, pour répondre aux troubles intérieurs, unifiaient ou détournaient les populations en utilisant le nationalisme et l’impérialisme.?» Cette observation est terriblement actuelle.
Alors que le Canada et les États-Unis naviguent entre conflits commerciaux, projets énergétiques et tensions frontalières, la tentation existe, des deux côtés, de présenter ces tensions sous un prisme nationaliste. Les populistes américains accusent les pratiques commerciales et fiscales canadiennes de nuire aux travailleurs américains, tandis que les politiciens canadiens répliquent en mettant l’accent sur la souveraineté nationale et l’indépendance économique. L’analyse de Zakaria suggère que ces tensions ne sont pas seulement économiques?; elles répondent aussi à des calculs politiques internes. Il est souvent plus facile pour les dirigeants de blâmer des acteurs étrangers que de s’attaquer aux défis économiques systémiques nationaux.
Le retrait du libre-échange
Un autre thème central du livre est l’alternance historique entre libre-échange et protectionnisme. Zakaria note que la fin du XIXe siècle a vu un revirement drastique vers le protectionnisme dans les pays industrialisés, en réaction aux craintes d’instabilité économique et à la concurrence étrangère. Il explique que «?vers les années 1890, les nations industrialisées se sont éloignées des marchés libres et du libre-échange.?»
Cette évolution évoque l’atmosphère économique d’après 2016, où les États-Unis ont distancé les accords multilatéraux et ont imposé des tarifs sur des importations cruciales. Le Canada, fervent partisan des marchés ouverts, s’est retrouvé à plusieurs reprises dans la ligne de mire. Que ce soit lors de la renégociation de l’ALENA en ACEUM, en adoptant l’Inflation Reduction Act (IRA), ou par les récentes restrictions sur l’acier et l’aluminium canadiens, les États-Unis ont adopté une approche protectionniste à somme nulle qui reflète les schémas du XIXe siècle décrits par Zakaria.
Leçons pour le Canada : naviguer dans un avenir incertain
L’analyse historique de Zakaria souligne que les tendances économiques et politiques sont cycliques. De la même manière que les nations ont autrefois adopté le protectionnisme avant d’en reconnaître les limites, il est peu probable que le recul actuel de la mondialisation soit permanent. Cependant, le Canada doit être stratégique pour naviguer dans cette période de nationalisme économique accru.
· Diversification des partenariats commerciaux : Zakaria met en évidence l’échec des sanctions économiques contre la Russie après son invasion de l’Ukraine, ce qui démontre que l’économie mondiale est vaste et adaptable. Le Canada devrait renforcer ses relations commerciales avec l’Europe, l’Asie et l’Amérique latine pour réduire sa dépendance aux États-Unis.
· Investissement dans l’innovation nationale : Les États-Unis ont autrefois utilisé le vol de propriété intellectuelle et des politiques industrielles pour stimuler leur croissance. Le Canada devrait adopter une approche proactive en investissant dans ses propres industries, en particulier la technologie verte et la fabrication avancée, afin d’améliorer la productivité et de garantir sa résilience économique.
· Maintien d’un levier diplomatique et économique : L’ouvrage de Zakaria illustre comment la puissance économique se traduit par une influence politique. Le Canada doit continuer à affirmer son rôle dans les institutions mondiales pour rester un acteur clé dans l’élaboration des règles du commerce international, au lieu de simplement réagir aux décisions américaines.
· Développement de l’énergie et des ressources naturelles : Le Canada possède une abondance de ressources énergétiques, y compris le pétrole, le gaz naturel et l’électricité renouvelable, ainsi que des minéraux critiques essentiels aux industries modernes. En développant stratégiquement ces ressources, le Canada peut renforcer sa position économique, attirer des investissements et assurer sa sécurité énergétique tout en contribuant aux objectifs mondiaux de durabilité.
Conclusion : une perspective historique sur les défis actuels
The Age of Revolutions de Zakaria offre un prisme historique fascinant pour examiner la relation actuelle entre le Canada et les États-Unis. Les politiques protectionnistes, la rhétorique nationaliste et les tensions économiques que nous observons aujourd’hui ne sont pas des anomalies, mais des échos de conflits passés. Comprendre ces tendances peut aider le Canada à élaborer une stratégie tournée vers l’avenir, qui équilibre intégration économique et résilience nationale.
Si l’histoire ne se répète pas exactement, ses rythmes restent familiers. Alors que le Canada et les États-Unis continuent de façonner leur relation économique, les leçons des révolutions passées nous rappellent qu’aucune période de tension n’est permanente. L’adaptation stratégique, plutôt que le nationalisme réactionnaire, sera la clé de la prospérité continue du Canada.